2 ans auparavant, Ada & Michael

Ada bougea en dormant et réveilla Michael d'un sommeil profond où il rêvait qu'il était en train d'attaquer une banque avec deux IA. Dans ce rêve, il pénétrait le système de gestion de compte en ligne à l'aide de la première IA, tandis que la seconde IA, en poste avancé dans le sous-sol de la teinturerie mitoyenne de la banque, utilisait un détecteur quantique refroidi à l'hydrogène liquide pour tracer les transactions du serveur de la banque et en extraire les mots de passe et les clés cryptographiques. Le montage était un peu échevelé, comme c'est souvent le cas dans un rêve, mais Michael fut étonné du réalisme du contexte : la banque existait bel et bien dans le centre de Santa-Maria, juste à côté d'une teinturerie. Quant au détecteur quantique, il avait fait un TP la veille pendant lequel ils en avaient utilisé un. Le professeur avait expliqué que ces systèmes étaient utilisés dans les aéroports pour traquer les bombes, ce qu'il savait déjà, mais aussi qu'à l'aide d'un système de ce type, on pouvait enregistrer l'activité qu'un microprocesseur à distance. Sa curiosité ayant été mise en éveil par cette révélation, il avait fait des recherches sur le réseau le soir même, et il avait découvert que les plus perfectionnés de ces engins étaient si sensibles qu'ils pouvaient flairer une IA à des dizaines de mètres de distance, même au travers d'un mur, d'où le rêve.

Ada bougea à nouveau, lui tourna le dos, et ils se retrouvèrent en chien de fusil dans le petit lit. Le contact des fesses d'Ada donna aussitôt à Michael une érection intense. Il ne put pas résister à la tentation, comme si son corps avait pris le contrôle, de frotter le barreau dans la vallée. À sa grande surprise, Ada répondit aussitôt en se cabrant en rythme. Elle vint chercher la main qu'il avait posée sur sa hanche pour la mettre sur son sein dont il sentit la pointe s'ériger autour du piercing et après quelques instants, sans cesser de serpenter contre lui, elle reprit cette main pour l'emmener faire la même chose sur l'autre mamelon.

— Hum, gémit-elle lascivement, et puis elle ordonna dans un souffle : prends-moi !

Il obtempéra en tremblant d'excitation, avec l'euphorie sublime chaque fois retrouvée. Très vite, Ada qui ondulait comme une nageuse de papillon, lui prit la main et la guida vers les autres piercings qu'elle s'était fait poser aux endroits les plus stratégiques entre ses jambes. Elle lui avait montré avec beaucoup de patience comment elle voulait qu'il joue avec, une savante alternance de caresses et de petites torsions. Cela s'était avéré un très bon investissement pour elle comme pour Michael, qui trouvait que ces bijoux focalisaient son attention érotique d'une façon très excitante. Elle ordonna : plus fort ! Le sommier commença à grincer et Ada rompit l'action. Elle sortit du lit et lui tira l'oreiller de sous la tête. Il l'entendit impacter le sol. Elle lui vola de la même façon la couette pour l'étaler sur la moquette. Elle chuchota, impatiente :

— Amène-toi !

En s'installant au sol, elle voulait être certaine de ne pas réveiller son père et sa belle-mère qui dormaient à l'étage en dessous. Il la trouva à tâtons, le cœur battant. Elle s'était mise à quatre pattes, il fallait faire attention de ne pas lui écraser les mollets en se glissant derrière elle. Cette position annonçait l'une de ces cavalcades dantesques dont Ada avait le secret.

Dire qu'Ada était une bête de sexe était un euphémisme, elle disait elle-même qu'elle n'avait que deux passions dans la vie, les mathématiques et la baise. Elle prétendait avoir eu jusqu'à plus de soixante douze orgasmes dans la même journée et ne se cachait pas d'avoir eu à trouver trois partenaires différents pour battre ce record. Elle avait expliqué un jour à Michael : « Vous les mecs, vous avez envie tout le temps, mais après quelques coups, vous ne pouvez plus rien faire pendant des heures. Moi, à peine deux minutes et si je veux, je recommence ». Il n'était pas parvenu à la prendre en défaut sur cette affirmation. De ce côté, elle était stupéfiante et pour tout dire géniale, toujours partante, même dans les contextes les plus extravagants : elle était capable de prendre son pied derrière une haie, dans les toilettes du lycée, dans une voiture, dans le garage avec sa famille dans le jardin juste à côté, même dans la cabine d'essayage d'une boutique de fringues. Elle était capable d'atteindre le septième ciel en quelques secondes, comme un garçon, et elle ne prenait son temps que pour le plaisir de faire durer. Elle avait expliqué à Michael que le jour où il aurait affaire à une autre fille, ce serait très différent. Michael se demandait si elle le savait juste parce qu'elle avait beaucoup lu à ce sujet. Son côté nymphomane ne dérangeait pas trop Michael, car elle ne l'avait jamais confronté à un autre garçon. Il restait que ces vagabondages faisaient beaucoup jaser, en particulier dans les familles pratiquantes, comme celle de Michael. Pourtant, la mère de Michael n'en parla jamais à son fils, soit qu'elle n'écoutât pas les ragots, soit qu'elle admît que c'était l'affaire de Michael.

Un jour, prenant conscience qu'il était en train de devenir plus que ses autres amants, Michael avait demandé à Ada :

— Pourquoi restes-tu avec moi ?

Elle avait souri :

— Parce que tu es mignon.

— Tu te moques de moi ?

— Non, tu es très mignon. Mais surtout, tu es obéissant. Jusqu'ici, je t'ai toujours fait faire tout ce que je voulais. Et aussi, tu suces admirablement bien, et, crois-moi, ce n'est pas courant chez les garçons.

— Génial.

— Tu es aussi intelligent, je dirais même que, par moment, tu pourrais presque paraître aussi malin que moi.

Elle avait été dépistée à plus de cent soixante-dix de Q.I. vers l'âge de sept ans. Michael avait découvert cela en cassant le système de fichier de l'administration du lycée. Il ne savait pas si elle connaissait ce chiffre, il ne lui en avait pas parlé, mais il était évident qu'elle avait toujours su qu'elle était plus intelligente que la moyenne avec une marge respectable, et une bonne partie de l'assurance dont elle faisait preuve en toute chose venait de là. Sur le coup, Michael se demanda si l'une des raisons de leur entente n'était justement pas qu'il lui avait fait comprendre qu'il admettait avec sérénité qu'elle soit plus intelligente que lui.

— Ah ah.

— Non, sans rire, tu es de loin le mec le plus futé à qui j'ai ouvert les cuisses.

— Tu n'ouvres pas les cuisses Ada, tu n'es pas comme ça, et tu le sais très bien.

— Mais si, je suis comme ça. Vous avez besoin de vous sentir en position de force, et nous, on a besoin de nous laisser faire, tu devrais lire Simone de Beauvoir.

Michael ne savait pas qui était Simone de Beauvoir. Ada lui avait raconté qu'entre sept et treize ans, elle avait dévoré plus de deux livres par jour, et pas des romans pour enfants. Le jour de ses treize ans, ayant calculé que cela représentait autant qu'une personne lisant à la vitesse moyenne d'un livre par semaine pouvait lire en une vie de centenaire, elle s'était arrêtée. Elle avait une mémoire prodigieuse et se souvenait de l'essentiel de chacun de ces livres, les noms importants, les grands concepts. Cela faisait d'elle une érudite surprenante : elle avait des trous immenses de culture, mais sur certains points, dans certains domaines que Michael avait appris à détecter au ton qu'elle prenait, il était impossible de la contredire.

— Tu n'as pas répondu à ma question : pourquoi restes-tu avec moi ?

Elle lui avait fait cette moue faussement ingénue qu'elle affectionnait tant, l'avait regardé en battant des cils.

— Parce que je t'aime ?

Il avait soutenu son regard avant de répondre.

— Tu vois, moi je t'aime. Ça me fait mal là, avait-il répondu en posant sa main sur sa poitrine.

Elle s'était approchée, soudain presque sombre. C'était son visage de joueur de poker, intense et mystérieux, signe qu'elle réfléchissait.

— Qu'est-ce qu'il faudrait que je fasse pour te prouver que je t'aime ?

Comme il ne répondait pas, elle proposa :

« Pas juste te le dire, quand même ?

Et il avait comprit qu'elle jouait, qu'elle jouait avec lui comme un chat joue avec la souris qu'il a attrapée, et que s'il lui répondait : « oui, je veux que tu me le dises », elle le lui dirait, mais qu'il ne pourrait pas la croire, pas tout à fait, et que le sachant, elle ne le lui dirait pas. Il avait secoué la tête, il ne pouvait pas lui demander de faire un geste fort, comme d'arrêter de se taper tous ces mecs, ce qui n'était somme toute pas bien grave, ni d'arrêter la came, ce qui était bien plus préoccupant. Il avait essayé, et il savait que ce n'était pas possible. Par principe, Ada refusait tout type de limite qui n'aurait pas été fixée par elle ou qu'elle n'aurait pas acceptée de plein gré.

Ce jour-là, Michael comprit qu'Ada était d'une autre espèce, qu'elle l'aimait d'une autre façon, sans doute pas moins intense, mais néanmoins si différente qu'au mieux il lui faudrait beaucoup de temps et d'efforts pour comprendre, et trouver un autre indice que celui de cette fréquentation assidue.

Devant son air sombre, elle était venue tout près de lui pour lui faire un baiser. Très vite l'étreinte avait dégénéré. Nue, elle l'avait chevauché en le regardant dans les yeux, lui avait capturé les mains quand il avait voulu s'arrêter, et l'avait regardé jouir en plongeant pour faire ballotter ses seins contre son visage. Alors qu'il reprenait son souffle, histoire de lui faire sentir que non seulement elle l'avait totalement asservi, mais aussi qu'elle restait imbattable pour ce qui était de la provocation dans la recherche des extrêmes, comme si elle avait besoin de le prouver, quitte pour marquer son refus de la banalité et de la convention à tomber dans la vulgarité et le stupre, elle lui avait susurré lascivement dans l'oreille : « Maintenant, tu vas me sucer. Et ce soir, si tu es sage, et que tu me le lèches bien auparavant, je te donnerai peut-être mon petit trésor.» Par moment, elle était exaspérante.